jeudi 9 août 2012

Soirée magique dans la Cour d'honneur du Palais des Papes




       



        LA   MOUETTE    de   TCHEKHOV



        Mise en scène d'Arthur NAUZYCIEL














                             Des mouettes, la scène en est saturée! Tous les acteurs sont des mouettes, sous leur masque de tragédie antique. Ils viennent nous raconter une histoire d'acteurs en mal de jouer la comédie, d'écrivains en souffrance, enchaînés à leur tâche. Ils incarnent des êtres humains prisonniers de leur histoire et de leur passé, de leur orgueil aussi, des êtres humains qui se déchirent de trop s'aimer. Tchekhov nous est donné tout entier par cette mise en scène lumineuse et son texte s'épanouit pleinement dans un décor de noir brillant. On dirait du Soulages!
La gestuelle, les évolutions, la résonance du texte constituent une œuvre d'art qui sublime la pièce de Tchekhov. C'est un spectacle total qui nous est offert, gestuelle du théâtre et langage bien sûr, mais aussi danse et chant. Arthur Nauziciel a composé un hymne à Tchekhov, mieux un hymne au théâtre.

Quel étonnement de voir des spectateurs quitter les gradins pendant la représentation ou à l'entracte pour les plus courtois! Ils ont tant perdu à ne pas se laisser emporter dans cette exaltante et profonde analyse de l'âme humaine! 
Ils  avaient la chance de renouer avec la tragédie antique d'Eschyle ou de Sophocle, à cette époque lointaine où l'on venait au théâtre, non pas pour se "divertir", mais pour "se purifier" par la terreur et la pitié qu'inspiraient les héros en proie à leur destin. Au théâtre "se jouait" l'essentiel. On s'y occupait de son être!
Mais tant de spectateurs aussi sont restés, immobiles sur leur siège, fascinés, envoûtés, conscients d'assister à un événement essentiel pour eux et pour le théâtre!

          

  • Distribution, mise en scène et adaptation Arthur Nauzyciel
    traduction André Markowicz, Françoise Morvan
    scénographie Riccardo Hernandez
    lumière Scott Zielinski
    chorégraphie Damien Jalet
    musique Winter Family, Matt Elliott
    son Xavier Jacquot
    costumes José Lévy
    masques Erhard Stiefel  

    avec Marie-Sophie Ferdane de la Comédie-Française, Xavier Gallais, Vincent Garanger, Benoit Giros, Adèle Haenel, Mounir Margoum, Laurent Poitrenaux, Dominique Reymond, Emmanuel Salinger, Catherine Vuillez
    et les musiciens Matt Elliott ainsi que Ruth Rosenthal et Xavier Klaine (Winter Family)

    Production
    production Centre dramatique national Orléans/Loiret/Centre
    coproduction Festival d'Avignon, Région Centre, CDDB-Théâtre de Lorient Centre dramatique national, Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines Scène nationale, Maison des Arts de Créteil, Le Parvis Scène nationale Tarbes Pyrénées, Le Préau Centre dramatique régional de Basse-Normandie Vire, Le phénix Scène nationale de Valenciennes, Théâtre national de Norvège, Maison de la Culture de Bourges Scène nationale et France Télévisions
    avec le soutien de l'Institut français et de la Ville d'Orléans
    Par son soutien, l'Adami aide le Festival d'Avignon à s'engager sur des coproductions.


Une journée au Festival d'Avignon ...suite...

La petite salle du Théâtre de L'Albatros sert de cadre intimiste à ce délicat monologue où s'ouvrent, au creux des phrases, des perspectives infinies.

 

 

 Chronique d'une mère ordinaire

de Véronique Daniel, mis en scène par Alain Bonneval
Une mère racontée par sa fille, le terreau d'amour, de ressentiment, de bonheur, de culpabilité, de manipulation, de nostalgie, de drôlerie.
Après la vie de Marguerite Duras et de Simone de Beauvoir, Véronique Daniel rend hommage aux femmes ordinaires, ni martyres, ni héroïnes, un roman familial, un miroir tendu dans lequel se reconnaître. Un récit ponctué de chansons où la petite histoire se mêle à la grande histoire."Ne plus juger, reprocher, regretter comme lorsque j'étais adolescente, mais comprendre tout simplement, comprendre le roman de cette femme"

Auteur : Véronique Daniel
Artistes : Véronique Daniel
Metteur en scène : Alain Bonneval


               Véronique Daniel entre sur scène, c'est à dire dans un salon au mobilier un peu suranné. Une poupée s'ennuie dans un fauteuil ancien, un projecteur fait défiler de vieilles photos, un tourne disques chante des airs oubliés et une femme évoque le passé, le passé de sa mère surtout qui croise les événements de l'histoire. 

Le texte est d'une justesse sans faille, entre émotion, révolte, humour, admiration et le jeu de l'actrice est bouleversant de vérité, mais d'une vérité que l'art met suffisamment à distance pour nous atteindre à  la fois dans la part la plus individuelle de notre être et dans la part universelle que nous portons en nous. 
En effet, on se reconnaît facilement dans tel comportement, telle évocation...c'est notre mère à nous dont parle Véronique Daniel!  Elle nous touche au plus près, au plus profond. Et, ce faisant, elle nous introduit dans une communauté qui nous englobe et nous dépasse.

Chronique d'une mère ordinaire est un moment privilégié et qui demeure, précieux, au cœur du spectateur.

 


 

Une journée au Festival d'Avignon

Une journée, la dernière du Festival d'Avignon, le 28 juillet 2012, une journée à courir des scènes diverses et éclatées, à rire, à s'émouvoir, à s'extasier, à méditer...

Et pour commencer le Théâtre Off.

La première scène est celle du Théâtre des Carmes où André Benedetto accueillait un double spectacle sur l'Odyssée.


                         Une Odyssée...d'après Homère

                         par la Compagnie Irina Brook

avec                  Raphaël Laguillon, Ysmahane Yaquini
                         Renato Giuliani , Tony Mpoudja

Adaptation        Irina Brook et Jean-Claude Carrière
Mise en scène   Irina Brook.






         Un professeur commence son cours en lisant tout naturellement le texte de l'Odyssée en Grec et, sous les protestations de ses élèves,se résout à la traduction. Les élèves sont dans la salle, parmi les spectateurs. Soudain, on les voit bondir sur scène, s'emparer du livre et du professeur et s'embarquer sur un vaisseau sur les traces d'Ulysse.
Le héros homérique s'incarne sous nos yeux, c'est un élève qui prend la tête de l'expédition. 
Homère a la tête qui tourne et son épopée a le vertige. Les épisodes se succèdent sur un rythme effréné, le Cyclope, Circé, les Lotophages...gags et travestissements délurés secouent la salle de rires. Le professeur n'est pas le moins survolté.

Mais au-delà de ce délire des corps et du langage, Homère est toujours présent, Homère qui nous livre l'aspiration profonde de l'aventurier à rentrer au port, à se retrouver tel qu'en lui-même.
La dernière scène où Pénélope et Ulysse sont réunis est inventive et tendre. L'épreuve de l'arc tendu est remplacé par une danse. Les prétendants, cocasses, s'y contorsionnent sans succès et l'on voit le mendiant, recouvert de son grand manteau, exécuter une parade amoureuse pour Pénélope.

 C'était une belle Odyssée, effrontée et généreuse, que les quatre acteurs ont offerte à un public enthousiaste.

Mais le spectacle continue au Théâtre des Carmes  avec...


                        La  Pelle du  Large...d'après Homère

                        par la Compagnie Philippe Genty

avec                 Hernan Bonet, Antoine Malfettes, Yoanelle Stratman

Direction 
artistique           Philippe Genty et Mary Underwood







               Commençons par savourer le jeu de mots...La Pelle du Large...C'est bel et bien une pelle qui sert à construire le bateau que les comédiens font apparaître sous nos yeux, avec également une brosse, un tourne vis, un éventail, quelques bonbons bien enveloppés dans leur papier brillant en guise d'équipage... ce qui explique que certains marins seront mangés ( et oui, nous sommes dans l'Odyssée) et qu'on accueillera des matelots "sans papier". Les plaisanteries, comme on le voit, fusent pour le plus grand bonheur des spectateurs conquis.
Voici, évoquées, avec ce bateau que des enfants pourraient bricoler, les aventures merveilleuses de l'épopée. Les acteurs sont les marionnettistes virtuoses de ce théâtre dans le théâtre qui nous parle de fuite, d'exil, de métamorphose, de retour au pays, de fidélité aussi et d'amour.








vendredi 27 juillet 2012

Partir au plus près...






La chienne de Naha 

 

              Caroline   Lamarche 

              La Chienne de Naha

 

 

    C'est une étrange histoire qui commence comme un conte, ou plutôt qui commence avec un conte, celui de la chienne de Naha. Il semble, chez les Triquis du Mexique, opérer comme un mythe des origines qui dicte la loi et assigne à la femme son rôle de soumission dans le couple qu'elle forme avec l'homme. Il apparaît alors, au creux du roman, comme un mythe repoussoir, un mythe à repousser, à combattre.

Le récit de la narratrice, maltraitée, abandonnée par l'homme qui remplissait son horizon, entremêle des fils et les tend à l'extrême autour de ce conte initial. L'enfance, avec ses rêves et ses cruautés, ressurgit, et avec elle les morts, les regrets, les culpabilités. Des personnages de femmes, de mères, biologique ou pas, d'une sœur d'adoption, Maria, croisent leur histoire avec la femme du conte. 

C'est pour rencontrer la réalité du conte parmi les Triquis que la narratrice quitte la France pour le Mexique où Maria l'appelle. Ce voyage lointain et déroutant la confronte à d'autres femmes encore dont le cheminement sans cesse renvoie à la femme initiale, celle du conte. Elle est partie au plus loin pour tenter de se retrouver au plus près. Y parvient-elle?

Cette quête est bouleversante. le style de Caroline Lamarche effleure l'indicible avec délicatesse:" Quand elle mourra je deviendrai enfin gaie. Les morts nous forcent,que nous le voulions ou non, à les laisser pousser en nous comme des graines"...Ces mots évoquent la mère de la narratrice à qui elle rend visite tous les jeudis.

Pourtant, le récit parfois s'égare... chez les Triquis. Trop de circonvolutions et d'errances dans des lieux indifférents, où le regard s'attarde sur des objets sans âme, diluent dans l'ennui la force première de cette quête essentielle qui lie le sort de la narratrice non seulement aux femmes de sa vie, mais à toutes les femmes.

Car l'une des caractéristiques de ce roman est son féminisme. Il enquête sur la place de la femme, place rêvée, revendiquée, espérée, assignée, rejetée...depuis les origines, depuis La Chienne de Naha.

 

Résumé du livre

Il y a longtemps vivait un homme, à Naha. Il vivait tout seul. Il n'avait personne. Il n'avait qu'une chienne. Ainsi commence La chienne de Naha, roman qui emprunte son titre à un conte issu de la tradition orale de l'ethnie des Triqui, au Mexique. Prenant appui sur ce conte qui met en scène le premier homme et la première femme, la narratrice déroule le récit d'un voyage depuis Mexico jusqu'aux confins de l'Etat d'Oaxaca. Loin des circuits rebattus, elle s'arrête à Etla, lieu d'un éden provisoire habité par d'étranges étudiants, avant de prendre la route vers Copala, coeur du pays triqui, où les balles sifflent dans la nuit. Autant d'étapes qui en recouvrent d'autres, rêvées, car voilà cinq ans qu'est morte la femme qu'elle considérait comme sa seconde mère, Lucía, figure à l'origine de ce périple. Son souvenir, la rencontre de sa fille, l'énigmatique María, l'errance qui s'ensuit, commune puis solitaire, donne lieu à des pages intenses sur l'enfance, le couple, la violence faite aux femmes et la chance d'avoir eu 'deux mères '. Le défi qui consiste à entrelacer le récit du voyage vécu et celui du voyage intérieur est pris en charge par de brefs chapitres qui constituent autant de chambres d'échos. Echos de la petite enfance, d'un amour enfui, des accidents du chemin, d'une curieuse fête des morts, des êtres croisés, enfin, hommes, femmes, enfants, animaux et plantes, nuages, arbres 'fraternels, soudés comme les vagues dans la mer, bercés par leur masse en mouvement. Les morts sont autant d'arbres, ils poussent parmi nous, mêlés à nous, être mort est une belle chose, simple et agréable '. Que signifie Naha ? Personne chez les Triqui ne le sait, aucun lieu ne porte ce nom. En espagnol le mot Nada, qui ne diffère que par une lettre, signifie 'Rien '. La chienne de Naha : la femme de Rien. Naha. Nada. Néant. Et ce vertige familier qui nous fait nous pencher sur les morts dans l'espoir de tirer de leur bouche muette 'la phrase capable de contenir ce que je sais de l'amour, comme une coquille contient son fruit, la note parfaite sur la portée de l'existence.

Caroline LAMARCHE, La Chienne de Naha, Editions Gallimard,2012

mardi 3 juillet 2012

Première lecture avec mon Kindle







          Philippe   CLAUDEL   

          LES  AMES  GRISES

                                                               en version numérique





             Mon Kindle est venu s'adosser tout naturellement aux tranches de mes livres et le voici dans ma bibliothèque où se sont installés, au fil des années, des centaines de volumes. Ils l'ont d'abord regardé avec méfiance puis curiosité, mais il est trop petit pour être menaçant! Alors ils se sont concertés, ils ont consulté toute la sagesse qu'ils portent en eux, celle des Anciens, les Grecs, les Romains, celle des Modernes...c'est qu'ils n'en manquent pas de sagesse, forcément, c'est même leur meilleure part!

Ils ont débattu avec passion, certains brandissaient la tradition, annonçant les pires catastrophes, d'autres avançaient des arguments esthétiques, bombant leur couverture, d'autres encore, les plus jeunes peut-être, venaient se frotter timidement contre l'objet magique...ils pouvaient donc tous être contenus là-dedans?
En tendant l'oreille, j'ai même entendu quelques opportunistes se féliciter à voix basse de n'avoir plus à se serrer sans cesse les uns contre les autres pour faire de la place au dernier né sur les étagères encombrées.
On allait enfin pouvoir prendre ses aises!

La sagesse l'a emporté. Chacun a repris sa place, toute sa place sur son étagère et dans mon cœur. Et j'ai entamé ma première lecture numérique. Le doigt glisse, le texte file en douceur, en silence. Le roman est là dans toute sa plénitude. L'écrivain et son œuvre m'ont été donnés sans réserve.


 Le roman de Philippe Claudel, Les âmes grises, s'impose d'abord à moi par la puissance du style. Le récit n'existe que par la voix du narrateur, ce policier entêté, douloureux, abattu. On ne sait du réel que ce qu'il en voit, que ce qu'il en dit, aux autres, mais surtout à lui-même. Nous sommes sans cesse plongés dans sa conscience, quand il décrit les lieux, quand il évoque les acteurs des drames qui émaillent le texte. C'est lui qui jauge les événements, qui pèse les actions et les réactions. Ce sont ses doutes, ses peurs, ses colères, ses souffrances qui nous sont livrés. Nous finissons par être lui-même et nous mêlons nos pensées aux siennes jusqu'à cet aveu final qui est un peu le nôtre.

Les âmes grises...nous sommes tous des âmes grises, bien capables de devenir noires si les circonstances s'y prêtent. Cette angoisse court dans Le rapport de Brodeck. On sait Philippe Claudel grand admirateur du Giono d'après- guerre. Qu'on relise Un roi sans divertissement. On y retrouvera ce face à face de l'homme avec lui-même, on le verra confronté à la séduction du mal, on le verra "misérable" et sans force, on y lira ce goût du sang qui fait notre histoire commune.




Résumé du livre
A l'hiver 1917, dans un village du nord de la France tout près duquel les combats font rage, une fillette d'une dizaine d'années est retrouvée morte, assassinée sur le bord d'un petit cours d'eau. Des années plus tard, retraité, le policier qui a mené l'enquête raconte ce qui a suivi. Qui a tué Belle ? Un maraudeur de passage ? Le petit soldat breton déserteur ? La solidarité de classe n'aurait-elle pas épargné le coupable en la personne du procureur Destinat, personnage impitoyable et glacé ? Et comment expliquer le suicide de la jeune institutrice, Lysia, si pleine de vie ? A partir d'une énigme à la Simenon, Philippe Claudel a construit un roman puissant, à la progression dramatique impressionnante, tableau saisissant d'une France provinciale plongée dans le cauchemar de la guerre. Il a aussi analysé, avec une lucidité et une finesse psychologique sans faille, les rapports troubles que le bien et le mal entretiennent en chacun de nous, faisant à jamais de nos âmes des 'âmes grises' .


Philippe CLAUDEL, Les âmes grises, Editions Stock, 2003.

lundi 2 juillet 2012

De retour de voyage


         Grazia  DELEDDA             BRAISES


 Poursuivre par la lecture l'enchantement d'un voyage, chercher dans l'imagination et l'écriture d'un écrivain la transfiguration d'un réel dont la beauté farouche m'avait séduite, telle fut mon intention en rentrant d'un périple en Sardaigne.

Grazia Deledda, Prix Nobel de Littérature en 1926, originaire de Nuoro, célèbre pour ses romans ancrés dans la région la plus secrète de l’île, la Barbagia, me promettait un voyage plus passionnant encore que le précédent.

J'y ai retrouvé avec plaisir les villages et les paysages où je m'étais attardée, mais la magie n'a pas opéré.

Je ne reprocherai pas au roman d'être "régional", c'était une de mes attentes, mais je lui reprocherai de n'être que cela. La littérature naît dans la distanciation et la capacité des personnages à se hisser au-dessus du réel. Or leur psychologie est ici trop sommaire, ils n'ont pas l'envergure qui les rapprocherait des lointains lecteurs que nous sommes. L'écriture ne parvient pas à les porter au-delà d'eux-mêmes. La suite des événements est racontée avec une certaine platitude qu'illumine çà et là la poésie d'un regard amoureux de ces terres.

Résumé: C'est l'histoire d'Anania, "fils du péché", abandonné par sa mère à l'âge de sept ans. Il grandit avec son père mais le souvenir de sa mère le hante. C'est dans l'exil et dans le rêve qu'il la cherchera.



Prix Nobel de littérature en 1926 pour son oeuvre Les Tentations, Grazia Deledda est la seconde femme à obtenir cette distinction après Selma Lagerlöf en 1909 pour Le Merveilleux Voyage De Nils Holgersson.
Née en 1871 à Nuoro, en Sardaigne, Grazia Deledda est,avec Antonio Gramsci, l'un des écrivains majeurs de l'île, décrivant dans ses oeuvres, plus de 40 au total, la manière de vivre et les coutumes des divers habitants de la province de Nuoro, surtout des bergers, propriétaires terriens et serviteurs.
Parmi ses oeuvres les plus connues sont “Tradizioni Popolari di Nuoro in Sardegna”, l'un de ses premiers succès ; “Cosima”, son roman autobiographique, et bien sûr “Canne al Vento”(Roseaux au vent), où elle compare la vie des hommes à des roseaux qui se plient au vent sans être brisés.
Elle mourut à Rome le 15 août 1936 et la légende dit qu'elle n'a jamais souri, même pas lors de la remise de son Prix Nobel.


Grazia Deledda, BRAISES, Editions Autrement, 1999.

Au bout du Chemin

AU  BOUT  DU  CHEMIN ...C'est le titre de la nouvelle que j'ai publiée sur aufeminin.com dans le cadre d'un concours littéraire...Alors lisez et cliquez!

Voici le lien          http://www.aufeminin.com/ecrire-aufeminin/au-bout-du-chemin-n199830.html   

vendredi 4 mai 2012

Les mots éveilleurs de conscience





 C'est un roman pour aujourd'hui, pas seulement de notre temps, pour notre temps, mais pour ces jours-ci, ces derniers jours et les deux jours à venir jusqu'au dimanche 6 mai 2012.

C'est une histoire qui raconte la chasse à l'étranger, De Anderer, c'est une histoire de peurs incontrôlées qui conduisent à l'horreur absolue, c'est une histoire qui éveille nos consciences alors que nous avons vu, dans la campagne électorale qui s'achève, surgir la haine de l'autre, de l'étranger ou de celui qu'on s'acharne à désigner ainsi, alors que nous allons voter et que l'ignorance, la crainte, la brutalité, sans cesse entretenues dans la population par des êtres dénués de tout scrupule, uniquement intéressés par le pouvoir et la domination, risquent de préparer des lendemains terrifiants.

Oui, c'est un livre à brandir comme un avertissement pour les électeurs du 6 mai!

Le héros éponyme, Brodeck, dit de ses bourreaux et de ceux qui l'ont livré à ses bourreaux;" C'est la peur qui les avait changés en monstres, et qui avait fait proliférer les germes du mal qu'ils portaient en eux, comme nous les portons tous en nous". 
Il faut admettre que l'homme n'est pas "bon naturellement", comme le rêvait Jean-Jacques Rousseau au XVIIIème siècle. Il serait même plutôt tenté par le sang et le carnage. Loin que la civilisation le corrompe, on ne peut compter que sur elle pour l'élever au-dessus de sa condition première...la civilisation, c'est à dire la culture, la connaissance, et d'abord la connaissance de la différence, la réflexion, la raison, toutes   ces valeurs que la Philosophie des Lumières a propagées.

Sinon, et bien, sinon... écoutons, à travers l'histoire de Brodeck, ce qui peut arriver et qui est déjà arrivé. Mais la première chose que les hommes perdent sur le chemin de la barbarie, c'est la mémoire.

"Je m'appelle Brodeck et je n'y suis pour rien.
 Brodeck, c'est mon nom.
 Brodeck.
 De grâce, souvenez-vous.
 Brodeck."

C'est ainsi que se termine le roman, sur une revendication d'existence, de reconnaissance.

Brodeck a fui, enfant, des massacres qu'il a fini par enfouir en lui-même en vivant dans un village, entre mythe et réalité, où les hommes, réconciliés avec eux-mêmes, ont oublié l'exclusion. Mais la bête est toujours prête à s'éveiller. Le maître qui l'a instruit et choyé le dénonce aux fratergekeime qui installent dans leur vie un ordre nouveau," Notre race est la race première, immémoriale et immaculée, ce sera la vôtre aussi si vous consentez à vous débarrasser des éléments impurs qui sont encore parmi vous".

Brodeck survit aux persécutions du camp et revient au village. Alors commence une autre histoire, parallèle à la précédente, l'histoire de l'Anderer, cet autre étrange et différent par ses vêtements, son langage, son maintien, son âne et son cheval, sa culture, son sens de l'observation, son intelligence. Les monstres l'abattront, les monstres?...les villageois ramenés à leurs peurs irrationnelles, à leur bestialité aveugle, à la violence primitive. Et c'est Brodeck que l'on charge, sous la menace, d'écrire le Rapport de ce meurtre.

D'autres narrations croisent ces deux-là. Le récit est d'autant plus pathétique que ces hommes violents et bornés peuvent apparaître aussi humains et tendres, souffrants et fragiles. On aperçoit alors ce possible émouvant et douloureux, cette chance qu'ils ont en eux de réaliser leur plus belle part d'humanité et qu'ils noient dans le sang.

Honte à tous ceux qui stimulent, pour leur plus grand profit, la part sombre, sensible à la peur, et qui choisissent le mensonge et l'obscurantisme pour maintenir dans l'ignorance ceux qui pourraient s'élever vers la raison!

Merci à Philippe Claudel pour ce magnifique roman qui s'adresse à notre plus belle part et qui constitue un acte de confiance, une écriture humaniste.


Philippe Claudel, Le Rapport de Brodeck, Editions Stock, 2007
    

lundi 2 avril 2012


WILLIAM IRISH L'HEURE BLAFARDE

ATTENTION...Ceci n'est pas une lecture à la mode!!! Elle date de 1949!!!



C'est la durée d'une nuit. Il est une heure moins dix au premier chapitre et six heures moins le quart au dernier.
Ils ne sont d'abord, dans le récit du narrateur, que lui et elle. Ce n'est que lorsque débutera entre eux un véritable échange qu'ils auront un nom, un prénom, Bricky et Quinn, Bricky Coleman et Quinn Williams. Ils découvrent qu'ils sont originaires du même village, Glen Falls dans l'Iowa et se reconnaissent ainsi avant de se connaître. Ils ont grandi dans deux maisons voisines. Pour Bricky, Quinn sera désormais le fils de la voisine.

Leur rencontre s'était pourtant produite sous des auspices peu favorables, un dancing où des filles gagnent leur vie en servant de partenaires...un tour, deux tours, trois tours, ou plus...un ticket rose ou davantage...à des hommes esseulés, à la recherche d'un refuge éphémère.

Quinn s'est mis dans une situation périlleuse qui risque fort de le faire accuser d'un crime qu'il n'a pas commis. Seule solution pour lui: trouver l'assassin. Ils décident de lier leur destin et se lancent alors dans une course folle à travers la nuit. Au bout de cette nuit les attend le car de 6 heures qui les ramènera chez eux, au village.

C'est l'enjeu de cette nuit où se joue leur vie. Le personnage central n'est ni Quinn ni Bricky, c'est la ville de New York, dangereuse prédatrice qui, après avoir déçu toutes leurs attentes de provinciaux, les tient enserrés dans les mailles de ses filets et ne veut pas les lâcher. C'est l'obsession qui sans cesse harcèle Bricky, les yeux rivés sur l'horloge du beffroi de Paramount.

William Irish organise une étonnante construction romanesque. Les deux amis se séparent et poursuivent chacun de leur côté, l'assassin, cherchant des indices et une piste. Le lecteur les suit tour à tour. Plongé dans la pensée et les émotions de chacun des personnages, il palpite au fil des événements. Mais le fil se brise, la piste est mauvaise, il faut repartir vers d'autres hypothèses, d'autres suspects.
La construction est une toile de fils mêlés dont on cherche le centre. Sans cesse les poursuivants croient l'atteindre, sans cesse ils le perdent de vue et s'en éloignent d'autant plus.

Le narrateur nous livre une perception du réel mouvante, en métamorphose permanente. Tout se dilue dans le doute et le désarroi. Dans cette décomposition d'un monde à la dérive, les deux héros le sont vraiment. Ces deux êtres perdus, désemparés, que rien ne prédisposait à une telle aventure, se révèlent des détectives remarquables, audacieux dans leurs pensées et leurs actes, inventifs et déterminés.

Les personnages secondaires, cernés par la perspicacité de Quinn et Bricky, sont d'un réalisme tour à tour brutal et émouvant. Tout un univers sociologique se dessine peu à peu. A chaque rencontre, à chaque confrontation, les deux amis prennent un peu plus d'épaisseur et nous apparaissent sous des aspects différents, tout en nuances.

Un style multiforme, capable d'épouser toutes les situations avec un art consommé, du dialogue au récit, en passant par une réflexion existentielle, souple et vivant dans son aptitude à formuler au plus près l'intimité des personnages, nous emporte dans une lecture passionnée.

Willian Irish est un auteur hors pair qui mériterait aujourd'hui une plus grande audience.



WILLIAM IRISH, L'HEURE BLAFARDE, 1949, Folio policier.


jeudi 8 mars 2012

Le voyage de l'écriture


















LE VOYAGE de JEAN GIONO à MARSEILLE


Parcours scénographique proposé jusqu'au 5 Mai 2012


au CENTRE JEAN GIONO de MANOSQUE



Se laisser bercer... on n'a qu'à se laisser bercer...
par une voix chaude et nuancée,
par une lecture attentive et sereine,
comme le pas du promeneur dans Marseille,
le pas de Giono, bien sûr...


Le parcours scénographique ne nous offre pour tout soutien visuel que quelques photos qu'un fond lumineux auréole. Tant mieux! Rien ne vient entraver la fuite vers l'imaginaire. La pensée se confond avec les images que le texte de Giono fait naître et organise.

Belle rêverie où rien n'existe que par le pouvoir des mots et des phrases!

C'est la magie du conte et la virtuosité du faiseur d'histoires qui nous envoûtent, mais l'enjeu pour l'écrivain et son lecteur est bien plus profond.

La simplicité narrative, qui d'abord semble proposer une balade sans encombre, une errance sans danger, s'ouvre bientôt sur une prose poétique audacieuse et déroutante. La fiction naît du réel et se fond en lui, sublime confusion!

Giono, de son pas de promeneur solitaire, dans cette indifférenciation où le rêve est plus réel que la réalité, nous raconte, plutôt qu'il ne nous explique, comment voyage l'écriture. Ces récits d'apparence modeste, constituent ce que d'aucuns appelleraient une Poétique, un Essai sur l'Art d'écrire.
Ils nous révèlent, en images, le processus de l'imagination créative; ils nous parlent du travail de l'écrivain sur la réalité qui l'entoure; ils nous racontent comment cette matière est fouillée, modelée, métamorphosée, transmuée, transgressée pour devenir plus qu'elle-même, une œuvre d'art.

Théorie en pratique, à la manière de Giono, sensuelle, vibrante, présente dans sa chair et offerte à notre gourmandise!




Présentation par Sylvie Durbet-Giono et Annick Vigier

A la vie grouillante et inhumaine des grandes villes, Jean Giono préférait la civilisation paysanne, la paix et la solitude de son haut pays provençal. Souvent les évocations de Marseille dans son œuvre (notamment dans Le Poids du ciel et Triomphe de la vie) ne sont guère flatteuses. Mais cette ville, où il fait de nombreux séjours, le rebute et le fascine à la fois.

Le récit est censé nous rapporter un voyage que fit Giono à Marseille à l'automne 1946, pour se libérer de l'emprise des personnages de son dernier roman à peine achevé, Un roi sans divertissement.

Mais l'écrivain ne cesse de confondre les temps, de superposer les espaces, réels ou rêvés. Aux évocations des rues où il "vadrouille" se mêlent des rêves, des souvenirs d'autres séjours (comme celui qu'il fit au fort St-Nicolas en septembre 1939, pour avoir signé des tracts pacifistes); ou même « une réalité d'il y a cinquante ans », celle de magnifiques domaines dont " la Mémé » Pelous lui raconte l'histoire, si bien que les « frondaisons imaginaires » de ces parcs disparus finissent par recouvrir les façades des maisons, les boutiques, tout le quartier du boulevard Baille qui devient « forestier » !

Laissez-vous donc désorienter avec délice en suivant Giono dans ses balades inspirées, dans ses inventions d'illusionniste malicieux, pour lequel la réalité ne peut être qu'intérieure et « magique ".

Sylvie Durbet-Giono, présidente du Centre J.Giono
Annick Vigier, directrice du Centre Jean Giono

Renseignements

Commissaire de l'exposition : Annick Vigier
Textes : Jean Giono
Scénographie et Sons : Renaud Manos
Voix : Maurice Petit
Photographies : François-Xavier Emery
Partenaires : Communauté de communes Luberon Durance Verdon / Conseil général des Alpes de Haute Provence / Conseil régional Provence Alpes Côte d'Azur

dimanche 26 février 2012

Le corps et le langage

LE CAS JEKYLL AU THEATRE DE LA CRIEE

de Christine Montalbetti
mise en scène de Denis Podalydès, Emmanuel Bourdieu et Eric Ruf
( deuxième version)

avec un acteur Denis Podalydès

et une danseuse Kaori Ito



Hier soir, c'était, au Théâtre de La Criée, à Marseille, la dernière représentation du Cas Jekyll et la dernière chance d'assister à un spectacle superbe d'inventivité et de brio.

Christine Montalbetti a écrit Le cas Jekyll, publié aux Editions P.O.L. Il s'agit d'une adaptation pour le théâtre de la nouvelle de Stevenson, Docteur Jekyll et Mister Hyde, écrite en 1886. L'adaptation est faite à l'intention de Denis Podalydès.

Le monologue du Docteur Jekyll est écrit dans une langue qui se métamorphose avec le personnage.
D'abord d'une facture classique impeccable, elle convient au Docteur conférencier, analysant avec rigueur et méthode le cas scientifique qui l'occupe et dont il est le centre. Cette prose savante et élégante est émaillée de formules familières, de remarques "décalées" qui font le bonheur du spectateur.
On entend dans la salle des rires discrets, on apprécie l'humour d'un personnage menacé par la tragédie, on souffle un peu alors qu'une atmosphère menaçante se met en place.
Mais la langue bafouille, se délite et se perd dans la confusion de l'être pour disparaître bientôt dans des borborygmes, des grognements, des halètements et des souffles inquiétants. Hyde a pris le dessus. On a cru Jekyll maître de la situation, il finit en bête recluse et velue!

Quelle prouesse que ce jeu d'acteur en métamorphose permanente! Jekyll n'attendait qu'une plume pour devenir enfin lui-même, un vrai personnage de théâtre, se transformant sans cesse et cherchant son identité dans ce vertige de soi.

Denis Podalydès a une alliée, une complice, son double et son alter ego, la danseuse Kaori Ito. Sa première apparition est fantastique, au sens littéraire du terme...elle prend la peau de Jekyll, s'introduit dans son enveloppe charnelle et le laisse à terre! Elle virevolte et saute et suit Jekyll comme son ombre et gémit aussi et souffre. Car elle est bien plus que Hyde, elle est l'âme souffrante de Jekyll.
Si le corps de l'acteur et celui de la danseuse sont d'abord bien dissociés sur la scène, ils finiront par se confondre et l'on voit la souple et malléable Kaori s'enrouler autour de Jekyll, lui "coller à la peau", ne le lâcher jamais et Jekyll la porter avec aisance comme on porte un manteau.

Le manteau de Jekyll en effet...pour s'y réfugier, y cacher Hyde... l'acteur le jette et le passe à la danseuse, magnifique symbole de la métamorphose...l'habit fait-il le moine?

Le vêtement...le langage...on s'y cache? On s'y révèle?

Le manteau et les voiles de Kaori s'envolent dans un décor où se jouent l'ombre et la lumière. Un cercle lumineux permet au début du spectacle de représenter l'apparence, brillante et avouable, et la vérité, secrète et honteuse. Denis Podalydès entre dans le cercle et en sort tour à tour, et bien souvent reste à mi chemin pour nous dire la duplicité, le double, la confusion révélatrice des êtres.

Décor de misère, lit branlant, table renversé, rideau déchiré...une porte s'ouvre et, derrière la paroi, se jouent des gestes mystérieux, se libère l'horreur. Nous sommes livrés à notre imagination, à nos propres fantasmes. Comme dans le théâtre classique du XVIIème siècle, la bienséance s'interpose!

Ce décor semble habité par une foule tant les métamorphoses qui s'opèrent sont multiples. L'acteur et la danseuse s'y coulent, s'effaçant et surgissant de tous côtés.

Et au moment de saluer leur public, on les verra disparaître derrière le mur de la chambre, l'un à droite, l'autre à gauche et réapparaître, le premier à gauche, la seconde à droite, et vice versa pendant un long moment. C'est qu'ils continuent à jouer...Hyde? Jekyll? Les deux faces de la même humanité.

On peut encore sur le site de La Criée voir défiler quelques images de ce spectacle "fantastique".



lundi 20 février 2012

Le rêve et le réel





Pierre CENDORS, ENGELAND


Il est des moments rares dans la vie d'un lecteur assidu, des moments de pur bonheur: voilà qu'il tient entre les mains un roman qui parvient à répondre à toutes ses attentes, même les plus exigeantes!

Il lit sans piper mot, soufflé, subjugué.

Et, une fois le livre refermé, comme il n'en est pas revenu, il l'ouvre de nouveau, à la recherche de la faille. Il va bien trouver un défaut, un reproche possible, même tout petit, à se mettre sous la dent!

Voyons...la construction narrative?...rigoureuse et déroutante, tout en rupture et en continuité aussi....

Le narrateur?...des voix qui se croisent, s'entremêlent, se font écho, cependant que domine une ligne musicale majeure, celle de Fausta K.

La narration?...une histoire complexe, ou plutôt des histoires qui concourent, chacune, à la réalisation de l'intrigue centrale, une enquête sur une disparition, une enquête palpitante aux nombreux rebondissements.

L'enjeu?...C'est précisément l'enquête, l'enquête sur soi, la recherche de soi jusqu'aux limites de l'humain.

Les personnages?...mystérieux, bouleversants, héros du roman, bien sûr, mais aussi les autres, tous les autres qui gravitent autour sans être pour autant des comparses.

Le cadre?...mouvant dans l'espace et le temps, dans la durée d'une vie "au-delà du regard".

L'écriture?...Serait-ce le meilleur? Un style fin et délicat, simple et poétique, mais aussi ardu et mystérieux...c'est selon... selon le moment, l'état du personnage, les enjeux de la situation...un style en constante métamorphose, en adaptation souple, un style qui "va de soi", à son rythme.

Et l'émotion? La pensée qui court et se cherche aux confins de la philosophie?

Il faut bien l'admettre: Engeland est de ces romans qui laissent des empreintes profondes. Il ne quitte pas le lecteur mais s'enracine en lui.


Mais de quoi s'agit-il?

Berlin, 1930. Fausta K. une jeune photographe, se lance à la recherche d'un ami d'enfance disparu sans laisser de traces. L'enquête commence. L'héroïne fréquente les milieux de l'avant-garde artistique berlinoise, ainsi qu'une Ecole de Photographie, traverse la guerre, erre çà et là, atteint la ville de Pripyat, non loin de Tchernobyl...


Pierre Cendors, Engeland, Editions Finitude, 2010.







jeudi 9 février 2012

Le langage des objets




Le numéro de Février 2012 de la revue
National Geographic France









National Geographic mène l'enquête à la suite des archéologues, plongeurs et autres découvreurs passionnés qui fouillent sans relâche les eaux troubles du Rhône en ce lieu qui fut une plaque tournante du commerce dans l'Antiquité romaine, la ville d'Arles.

Ce furent le buste bouleversant d'un César vieillissant et ce Marsyas en bronze , esclave enchaîné levant vers nous son regard et tant d'autres merveilles tirés du fleuve, que l'exposition " César, le Rhône pour mémoire", fit découvrir à une foule de visiteurs incrédules. C'était au Musée de l'Arles Antique, en 2010.
Comment ce Rhône familier, qu'on longe et qu'on traverse sans y songer, peut-il recéler en ses profondeurs tout un univers insolite?

A la question, " A votre avis, reste-t-il encore beaucoup de trésors au fond du Rhône?", Luc long, responsable des fouilles, répondait:" Oui, il doit rester au fond du Rhône de fabuleux trésors. C'est un legs fabuleux pour les générations futures".

Et voici qu'une barge gallo-romaine( une embarcation fluviale à fond plat, destinée au transport des marchandises) surgit du passé avec sa cargaison d'amphores et une multitude d'objets, gobelets, assiettes, marmites, cruches, casseroles, monnaies, peignes, lampes à huile, ossements, épingles...tout un univers rendu à la lumière et livré à la curiosité des hommes.

L'archéologie, certes, nous informe sur la vie qu'on pouvait mener sur nos terres il y a 2000 ans, sur les activités des hommes, leurs techniques, leur talent. Mais elle fait bien plus que cela, elle nous renvoie à nous-mêmes, nous offre en miroir l'image du temps écoulé et nous rappelle à l'humilité.
On connaît la passion de Freud pour l'archéologie. Il accumulait dans son cabinet, provenant de fouilles en Grèce, en Italie, en Egypte, une multitude de statuettes et objets divers, symboles pour lui-même et ses patients de la recherche de soi. Quand ils nous sont donnés, ces objets se racontent et nous racontent. Plonger dans sa propre histoire, c'est aussi plonger dans l'histoire de l'humanité.

Alors que dire des plongeurs du Rhône? Ils sont les intercesseurs, patients et infatigables, qui cherchent la vérité dans la vase et l'eau verdâtre. Là les attendent des millions de pièces, souvent intactes.

National Geographic nous raconte la plus exaltante des aventures, à nos portes, ou dans nos eaux, celle des spécialistes, des plongeurs, des techniciens, des restaurateurs.

Un défi: comment remonter la barge de 31 m de long et de 3 m de large du fond fangeux du Rhône?
Comment agir pour permettre qu'en Octobre 2013 elle soulève en nous des vagues d'émotion et vienne nous toucher au plus profond?

Il faut lire les pages de National Geographic consacrées à l'épave antique et suivre absolument les épisodes de l'aventure qui ne pas manquer de se poursuivre sur les bords du Rhône.





mercredi 4 janvier 2012

Un cadeau pour nos étrennes



José SARAMAGO L'autre comme moi




Quel cadeau plus enviable, en effet, que ce roman qui vous met l'esprit en éveil, exerce votre sagacité et vous régale d'un humour philosophique?

Evidemment nous n'avons pas l'intention de présenter José Saramago, ce modeste portugais devenu Prix Nobel de littérature en 1998. Son style puissant, apte à toutes les métamorphoses, s'empare du lecteur et l'entraîne, captivé, dans les méandres du récit.

L'autre comme moi est un polar philosophique, une poursuite effrénée d'un autre qui n'est autre que soi-même. Poursuite et fuite palpitantes où le suspense sera maintenu jusqu'au bout par le narrateur habile, qui se joue de ses personnages et de son lecteur, qui se moque aussi de lui-même dans un effet de distanciation inattendu.

Tertuliano Maximo Afonso et Antonio Claro sont les deux interprètes principaux de cette fiction qui tente de s'accrocher au réel cependant que le fantastique vient le bousculer. Autour d'eux des personnages secondaires, mères, épouse, maîtresse, collègues, compliquent l'imbroglio surréaliste. Et puis il y a le bon sens qui apparaît çà et là, interpelle Maximo, essaie de le raisonner, parfois avec succès, souvent en vain.

On perçoit à chaque instant de la lecture le plaisir jubilatoire de l'auteur qui invente et s'amuse de son invention, qui nous conduit dans la spirale envoûtante de sa réflexion et rit de notre égarement.

Ce n'est pas le titre le plus connu de José Saramago, mais c'est du Saramago...nul besoin d'en dire davantage!




José SARAMAGO, L'autre comme moi, Traduit du portugais par Geneviève Leibrich, Editions du Seuil, janvier 2005.