vendredi 27 juillet 2012

Partir au plus près...






La chienne de Naha 

 

              Caroline   Lamarche 

              La Chienne de Naha

 

 

    C'est une étrange histoire qui commence comme un conte, ou plutôt qui commence avec un conte, celui de la chienne de Naha. Il semble, chez les Triquis du Mexique, opérer comme un mythe des origines qui dicte la loi et assigne à la femme son rôle de soumission dans le couple qu'elle forme avec l'homme. Il apparaît alors, au creux du roman, comme un mythe repoussoir, un mythe à repousser, à combattre.

Le récit de la narratrice, maltraitée, abandonnée par l'homme qui remplissait son horizon, entremêle des fils et les tend à l'extrême autour de ce conte initial. L'enfance, avec ses rêves et ses cruautés, ressurgit, et avec elle les morts, les regrets, les culpabilités. Des personnages de femmes, de mères, biologique ou pas, d'une sœur d'adoption, Maria, croisent leur histoire avec la femme du conte. 

C'est pour rencontrer la réalité du conte parmi les Triquis que la narratrice quitte la France pour le Mexique où Maria l'appelle. Ce voyage lointain et déroutant la confronte à d'autres femmes encore dont le cheminement sans cesse renvoie à la femme initiale, celle du conte. Elle est partie au plus loin pour tenter de se retrouver au plus près. Y parvient-elle?

Cette quête est bouleversante. le style de Caroline Lamarche effleure l'indicible avec délicatesse:" Quand elle mourra je deviendrai enfin gaie. Les morts nous forcent,que nous le voulions ou non, à les laisser pousser en nous comme des graines"...Ces mots évoquent la mère de la narratrice à qui elle rend visite tous les jeudis.

Pourtant, le récit parfois s'égare... chez les Triquis. Trop de circonvolutions et d'errances dans des lieux indifférents, où le regard s'attarde sur des objets sans âme, diluent dans l'ennui la force première de cette quête essentielle qui lie le sort de la narratrice non seulement aux femmes de sa vie, mais à toutes les femmes.

Car l'une des caractéristiques de ce roman est son féminisme. Il enquête sur la place de la femme, place rêvée, revendiquée, espérée, assignée, rejetée...depuis les origines, depuis La Chienne de Naha.

 

Résumé du livre

Il y a longtemps vivait un homme, à Naha. Il vivait tout seul. Il n'avait personne. Il n'avait qu'une chienne. Ainsi commence La chienne de Naha, roman qui emprunte son titre à un conte issu de la tradition orale de l'ethnie des Triqui, au Mexique. Prenant appui sur ce conte qui met en scène le premier homme et la première femme, la narratrice déroule le récit d'un voyage depuis Mexico jusqu'aux confins de l'Etat d'Oaxaca. Loin des circuits rebattus, elle s'arrête à Etla, lieu d'un éden provisoire habité par d'étranges étudiants, avant de prendre la route vers Copala, coeur du pays triqui, où les balles sifflent dans la nuit. Autant d'étapes qui en recouvrent d'autres, rêvées, car voilà cinq ans qu'est morte la femme qu'elle considérait comme sa seconde mère, Lucía, figure à l'origine de ce périple. Son souvenir, la rencontre de sa fille, l'énigmatique María, l'errance qui s'ensuit, commune puis solitaire, donne lieu à des pages intenses sur l'enfance, le couple, la violence faite aux femmes et la chance d'avoir eu 'deux mères '. Le défi qui consiste à entrelacer le récit du voyage vécu et celui du voyage intérieur est pris en charge par de brefs chapitres qui constituent autant de chambres d'échos. Echos de la petite enfance, d'un amour enfui, des accidents du chemin, d'une curieuse fête des morts, des êtres croisés, enfin, hommes, femmes, enfants, animaux et plantes, nuages, arbres 'fraternels, soudés comme les vagues dans la mer, bercés par leur masse en mouvement. Les morts sont autant d'arbres, ils poussent parmi nous, mêlés à nous, être mort est une belle chose, simple et agréable '. Que signifie Naha ? Personne chez les Triqui ne le sait, aucun lieu ne porte ce nom. En espagnol le mot Nada, qui ne diffère que par une lettre, signifie 'Rien '. La chienne de Naha : la femme de Rien. Naha. Nada. Néant. Et ce vertige familier qui nous fait nous pencher sur les morts dans l'espoir de tirer de leur bouche muette 'la phrase capable de contenir ce que je sais de l'amour, comme une coquille contient son fruit, la note parfaite sur la portée de l'existence.

Caroline LAMARCHE, La Chienne de Naha, Editions Gallimard,2012

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