dimanche 6 novembre 2011

Le mot d'avant tous les autres?

VASSILIS ALEXAKIS, Le premier mot



Pour une amoureuse de la langue, quel titre alléchant!

Le pari est audacieux, l'entreprise ambitieuse et on imagine dans quel vertige l'auteur peut nous entraîner.
Veut-il vraiment trouver le premier mot prononcé par un humain? On s'étonne, on grille d'impatience, on est tout prêt à vivre l'aventure à laquelle le titre nous convie.

La trame narrative est simple et émouvante. Une soeur va rejoindre son frère à Paris. Il est professeur de littérature comparée et sur le point de mourir d'une longue maladie.

Ils sont unis par une lointaine complicité qui prend racine dans leur enfance et leur pays natal, la Grèce. L'évocation du passé scande délicatement le récit, avec les figures rêvées du père et de la mère. Si Miltiadis est un érudit, sa soeur est beaucoup moins cultivée. Elle retire de cette infériorité le plaisir de se sentir dépendante de son frère et cela lui plaît.

Après la mort de Miltiadis, elle prend en charge son projet, laissé inachevé, trouver le premier mot. La fin du roman, très symbolique, la ramène en Grèce. Elle part retrouver le mûrier de leur enfance où son frère grimpait avec aisance. A son tour elle l'escalade, remontant ainsi l'histoire de l'humanité et celle du singe. L'Evolutionnisme tient dans l'histoire une place importante dans la recherche des origines et des sources du langage.

Elle est cependant réduite à des hypothèses concernant ce premier mot dont la connaissance est tant convoitée. On pouvait s'attendre à une telle conclusion. On ne peut se sentir déçu de ne pas avoir de réponse à une telle question.


Alors, d'où vient cet ennui ressenti à la lecture? Alors que j'étais tellement acquise à la cause linguistique et tellement avide de suivre la recherche dans cette atmosphère de tendre complicité, pourquoi ai-je eu la tentation de tourner les pages un peu plus vite qu'il ne sied à une lecture attentive?

C'est que la quête du premier mot se transforme en cours universitaires. Les spécialistes sont convoqués, spécialistes des langues, du cerveau, anthropologues avertis et tous nous assènent de longs discours dont l'intérêt est indéniable...mais ont-ils leur place dans un roman?
On finit par se dire que telle ou telle sommité n'a pas encore été consultée et on s'amuse de la voir arriver quelques pages plus loin!

Il faut ajouter à cela la bibliographie abondante que l'auteur, très scrupuleux, ne manque pas de mentionner ...en citant bien sûr de longs passages très instructifs, et les discussions, non moins abondantes, nourries de réflexions, de références, de détails sur telle lettre, le r par exemple.
Les échanges sont d'autant plus envahissants que les personnages sont nombreux et que la soeur de Miltiadis les sollicite avec entêtement.

Le premier mot est-il un roman ou un essai? Je crains qu'il ne soit ni l'un ni l'autre...trop peu scientifique dans sa démarche pour un essai...trop parasité par le discours universitaire pour un roman.
Les personnages qui avaient toute ma sympathie se sont dilués sous mes yeux fatigués. Ils ont perdu leur âme, leur authenticité.
La plume de l'écrivain est froide. L'émotion n'y vibre que trop rarement.



VASSILIS ALEXAKIS, Le premier mot, Stock, 2010.


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