samedi 22 octobre 2011

BERENICE au Théâtre Gyptis à Marseille

RACINE, Bérénice


BERENICE, la tragédie la plus épurée de Racine.

Il n'est qu'à lire le Préface où Racine explique que "toute l'invention consiste à faire quelque chose de rien". Il ne veut pas d'un " grand nombre d'incidents", et souhaite" attacher durant cinq actes les spectateurs par une action simple, soutenue de la violence des passions, de la beauté des sentiments et de l'élégance de l'expression".

Peu d'action en effet, sinon la résonance des exploits guerriers où s'illustrèrent Titus et son allié et ami, Antiochus, le roi de Comagène.
Et la musique de l'alexandrin de Racine épouse, dans ses rythmes et ses nuances infinis, les émois, les douleurs, les espoirs des personnages. La poésie nous est donnée à l'état pur. Ces vers se chantent, se psalmodient, se hurlent, se murmurent. Ils exigent des acteurs un engagement total et des qualités d'expression exceptionnelles.



La mise en scène de Jean-Claude NIETO est proposée au Gyptis du 18 au 22 Octobre.

Le décor, dépouillé comme il convient, souligne le texte sans l'encombrer. Un grand escalier symbolise avec bonheur l'ascension et la gloire, ainsi que leurs revers, le devoir impitoyable et l'écrasement de l'individu. Titus refuse longtemps de le monter puis, à la fin de la pièce, se tient à son sommet, drapé du manteau pourpre du pouvoir.

Les costumes, couleur ivoire pour la plupart, enveloppent et caressent les corps. Ils évoquent parfois la Grèce et l'Orient. C'est la cas pour Antiochus. Seul, Titus, vêtu de brun, arbore une tenue guerrière, rappel de son passé et de sa fonction, alors qu'il doute et tremble et s'apitoie.

Foriane Jourdain, dans le rôle de Bérénice, est fascinante de vérité et de beauté. Nous avons appris, dans le débat qui a suivi la représentation mercredi 19 octobre, qu'elle était également chanteuse d'opéra et de jazz. Sa connaissance de la musique lui a sans douté permis cette sensibilité remarquable aux vers raciniens. La diction, les intonations, les silences et les nuances de la voix exaltent à merveille le texte. La souplesse de son corps accompagne les mélodies multiples qui s'élèvent des mots.

Jean-Serge Dunet campe un Paulin digne et sans pitié. L'acteur a la voix grave et sévère, le maintien autoritaire et exigeant qui tranchent fort justement avec les faiblesses de Titus. Il incarne à la perfection le devoir, ce devoir qui, au XVIIème siècle, se dresse pour censurer la passion ravageuse et amollissante.

On regrette de ne pouvoir continuer cet éloge sincère sur les comédiens.

Sur les lèvres de Rafaël Gimenez, Antiochus, et de Fabio Sforzini, Titus, les vers ont peu de résonance. Parfois inaudibles pour le spectateur, les mots n'ont pas la force qu'on attend. Tout est musique et rythme. On aimerait que les acteurs fassent vibrer les vers. Phénice et Arsace paraissent eux aussi décevants.

Jouer BERENICE est un acte de courage. La scène du Gyptis est un lieu d'expériences et de créations dont on aime l'audace.



Résumé de la pièce

Bérénice, la reine de Judée, a suivi à Rome le séduisant Titus, auréolé de la gloire de ses succès militaires. Un amour passionné les unit. A la mort de l'empereur Vespasien, son fils lui succède.Bérénice attend avec fièvre le moment où elle échangera sa situation d'exilée contre le titre d'impératrice que lui donnera son mariage avec Titus, devenu tout puissant et maître de ses décisions. C'est du moins ce qu'elle croit.
Mais les Romains, depuis la lointaine époque où ils ont aboli la royauté, ne veulent pas d'une reine au lit de leur empereur. Bérénice, reine et étrangère, suscite toutes les méfiances.
Comment Titus, garant du respect des lois, peut-il les bafouer en épousant Bérénice? Déchiré entre sa passion et son devoir, il la laisse à ses larmes, à son humiliation, à sa colère.
Dans la dernière scène, pourtant, l'héroïne s'apaise dans une sublimation de ses sentiments et livre au spectateur ce dépassement de la souffrance propre à la tragédie.

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