samedi 1 octobre 2011

Ces mythes qui nous façonnent

Emilie Desvaux, A l'attention de la femme de ménage.


Toute l'histoire prend racine au coeur du roman, au chapitre 12, entre les pages 86 et 91. Elle s'y construit, s'y révèle, y puise sa signification.

On y voit une petite fille, assise sur les genoux de son père, entourée des livres de la bibliothèque. 
"Grimpe sur mes genoux, princesse. Ce soir un petit tour en Egypte. On bien alors en Grèce? En Chine?"...C'est " l'heure des histoires". Et le voilà qui l'entraîne dans "un mythe,une histoire ancienne et terrible, fondatrice."La fillette va, en effet, y fonder son être, y dessiner sa vie.

Elle y apprend que les héros meurent inévitablement, dévorés par les dieux mutins et cruels. Elle devient l'une de ces victimes condamnées aux souffrances éternelles et flirte avec le tragique. " Mon père soutient que ce qu'on ne peut éviter est tragique et je deviens tragique moi-même".
Sur le bateau du récit, prisonnière du voyage, elle fuit vers elle-même et contemple les sirènes "désespérées".

Ainsi jeune femme devenue, continuant à flotter entre le rêve et la réalité, elle laisse, soumise et consentante, se dérouler le fil inexorable de sa tragédie, d'amours en ruptures, de jouissances en désespoirs jusqu'à la mort inévitable des héros, son époux, son amante.

Et le récit se fait à voix basse, à la première personne. L'héroïne a sa confidente de tragédie, la femme de ménage, présente et absente à la fois. En elle elle dépose son histoire, pour s'en défaire peut-être...Quelle part a-t-elle eu dans cette succession de faits? 
"Je ne vous dis pas où je vais parce que je ne le sais pas moi-même. Je vous laisse la maison vide, le jardin, tout le reste."

A l'attention de la femme de ménage est le roman du tragique intime, intériorisé sans éclat, dans le silence feutré d'une grande maison.



Emilie Desvaux, A l'attention de la femme de ménage, 2011, Editions Stock.



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