jeudi 8 septembre 2011

Le théâtre ou la révélation par les mots



A propos d'Agamemnon de Sénèque


Résumé de la pièce

Lorsque le fantôme de Thyeste apparaît devant le palais des Atrides pour exhorter son fils Égisthe à tuer Agamemnon, tout est scellé. Le texte de Sénèque, qui dévoile la toute puissance des images sur les choses, ne se soucie pas de montrer l’action ; il donne la parole à Clytemnestre – qui répugne à tuer mais cède aux arguments d’Égisthe –, à Eurybate, messager qui décrit le naufrage de la flotte d’Agamemnon, mais surtout à Cassandre, butin ramené de Troie par Agamemnon. Cassandre n’a plus rien à perdre ; il ne lui reste qu’à raconter, dans une sorte de transe, la mort du héros grec en même temps qu’elle a lieu. La parole, celle des protagonistes ou celle des chœurs, ne peut rien arrêter. On voit Électre sauver Oreste de la fureur meurtrière de sa mère, puis être reniée. Au moment d’être immolée, Cassandre prédit la folie qui s’abattra sur les Atrides.
 
La Comédie Française nous a offert récemment l'Agamemnon de Sénèque dans une mise en scène saisissante où les nouvelles technologies se mettent au service du jeu des acteurs et du texte de l'auteur. Le metteur en scène est le québecois Denis Marleau. Sa rencontre avec le philosophe latin nous éblouit.
Dans un décor de blanc laiteux et de gris argenté, les personnages aux noms lointains, mais aux regards prophétiques, Clytemnestre, Egisthe, Eurybate, Cassandre, Agamemnon, exaltés par le jeu des acteurs, effrayés et transis, se débattent avec eux-mêmes dans le trouble des métamorphoses.
Et dans les plis d'une toile de fond, le choeur aux visages dilatés par la magie technologique, est notre miroir.
Il faut entendre la belle traduction de Florence Dupont. Il faut entendre les mots où se révèlent, en jeux de miroirs, les souffrances et les folies des hommes.

Clytemnestre...            Je suis trop torturée pour subir un délai,
Mes moelles et mon coeur brûlés de trop de flammes
Qu'aiguillonnent ma crainte et mon courroux mêlés,
Mon sein bat trop d'envie!...
                                     Ballotée par deux flux,
Telle l'onde entre vent et courant tiraillée
Hésite à quel fléau,ici ou là, céder,
Ainsi le gouvernail m'a échappé des mains.
Partout où ma fureur, ma rancoeur, mon espoir
M'emporteront, j'irai, je livre au flot ma barque.


Sénèque Le Jeune

 

Philosophe de l’école stoïcienne, dramaturge et homme d’État romain, il naît en l’an 4 av. J.-C. À Cordoue. Fils de Sénèque l’Ancien, il devient, en 31, conseiller à la cour impériale sous Caligula. En 50, il est préteur. Riche, influent, proche du pouvoir – il est le précepteur de Néron – il est mêlé à toutes les intrigues de cette période troublée de l’Empire, avant d’être acculé au suicide en 65. Il expose ses conceptions philosophiques dans des traités comme De la colère, De la brièveté de la vie et surtout dans ses Lettres à Lucilius. Ses tragédies, dont dix sont parvenues jusqu’à nous (Médée, OEdipe, Agamemnon, Phèdre, Thyeste, Hercule furieux, Les Phéniciennes…) constituent un parfait exemple du théâtre tragique latin et ont nourri le théâtre classique français du XVIIe siècle.


Retrouvez le texte...Sénèque, Tragédies, édition bilingue des Belles Lettres, en Classiques de poche.

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